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Deux espèces de la liste rouge de l’UICN deviennent chassables

samedi 11 février 2012, par Guillaume Marchais

Les représentants des chasseurs ne sont pas rentrés bredouille de leur rencontre avec Nicolas Sarkozy le 30 janvier. Parmi leurs prises, la suspension du moratoire sur la chasse de l’eider à duvet et du courlis cendré.

Le président de la République a reçu le 30 janvier à l’Elysée les représentants de la Fédération nationale des chasseurs (FNC) et de l’Association nationale des chasseurs de gibiers d’eau (ANCGE). Comme l’indique la FNC, la rencontre "n’aura pas été vaine". Au grand dam des associations de protection de la nature qui dénoncent les concessions faites aux chasseurs dans cette période électorale.

 Plus d’espèces chassables

L’assouplissement porte tout d’abord sur un élargissement de la liste des espèces chassables. Avec, la levée du moratoire sur la chasse de l’eider à duvet et du courlis cendré sur le domaine public maritime. Le premier, rappelle la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) est une espèce "en danger" selon la liste rouge des espèces menacées en France publiée par l’UICN France et le Muséum national d’histoire naturelle de Paris. Le second est classé "vulnérable" selon cette même liste, et "quasi-menacée au niveau mondial", indique la LPO. "Ces moratoires faisaient partie d’un accord signé à la table ronde chasse en 2008, dont l’Etat s’était porté garant", rappellent FNE, la Ligue ROC et FNH.

Le Gouvernement a également rendu chassable la bernache du Canada jusqu’en 2015, via un arrêté publié le 24 décembre dernier au Journal officiel. Qualifiée d’"espèce exotique envahissante", le ministère de l’Ecologie précise que ces oies "colonisent les habitats au détriment d’autres espèces, polluent les eaux et les espaces verts via leurs déjections, vectrices de maladies".

De plus, "Nicolas Sarkozy a également promis aux chasseurs de prendre des décisions dès mars prochain pour autoriser les chasses traditionnelles d’espèces protégées (bruant ortolan et pinsons dans les Landes), en toute illégalité", s’indigne Allain Bougrain Dubourg, président de la LPO.

 Chasser plus longtemps

Concernant les oies, le Conseil d’Etat a enjoint la ministre de l’Ecologie, par une décision du 23 décembre dernier, de fixer une date de clôture de la chasse aux oies cendrées, aux oies rieuses et aux oies des moissons qui ne soit pas postérieure au 31 janvier, alors que cette date était fixée au 10 février jusque-là. La Haute juridiction administrative avait donné un mois à la ministre pour modifier cette date.

L’arrêté modifiant cette date est effectivement paru in extremis au Journal officiel. Mais, surprise, Nathalie Kosciusko-Morizet a voulu soumettre un autre arrêté, au Conseil national de la chasse et de la faune sauvage du 31 janvier, autorisant la chasse des oies "aux fins d’études scientifiques" du 1er au 10 février 2012. Faute de quorum, le Conseil n’examinera toutefois le texte que vendredi. En tout état de cause, "aucune raison scientifique n’exige de tuer des oies après la fermeture de la chasse", s’indignent FNE, la Ligue ROC et FNH. "En réalité, sous couvert d’études, il s’agit de contourner la décision du Conseil d’Etat", dénoncent les associations.

Le pigeon ramier, quant à lui, a vu sa période de chasse étendue de 10 jours supplémentaires dans le Nord de la France, via un arrêté paru le 22 décembre dernier au Journal officiel. L’objectif affiché par le ministère de l’Ecologie ? Diminuer les impacts de cette espèce sur l’activité agricole. L’allongement de la période de chasse de cette espèce dans le Limousin, de même que celle des grives et des merles dans la Drôme et l’Ardèche, et de celle du gibier d’eau sur l’arc méditerranéen, sont également à l’étude, a annoncé Nicolas Sarkozy.

La chasse au vanneau, qui ouvrait le 15 octobre, sera autorisée un mois plus tôt à compter de la saison prochaine. En outre, l’ouverture générale de la chasse serait avancée d’une à deux semaines dans les départements du nord de la France.

 Pas d’évaluation scientifique selon les ONG

Les ONG dénoncent des mesures prises en urgence "sans aucune évaluation scientifique" du Groupement d’études sur les oiseaux chassables (GEOC), instance créée à la suite de la table ronde chasse de 2008. "En agissant ainsi, le président de la République fait fi de la nouvelle gouvernance qu’il a prônée dans le cadre du Grenelle de l’environnement, des décisions de la table ronde chasse qu’il avait instaurée et des recommandations des scientifiques", dénoncent FNE, la Ligue ROC et FNH dans un communiqué commun.

Plus incisive encore, la LPO "dénonce avec vigueur ces annonces démagogiques au profit de l’intérêt d’une seule catégorie d’usagers de la nature, qui va d’ailleurs bénéficier d’une loi leur accordant encore plus de privilèges et davantage de facilités, loi qui sera débattue au Sénat le 3 février prochain". A la sortie de leur rencontre avec le président de la République, les représentants de la FNC se réjouissaient effectivement d’avoir ramené "dans leur carnier" le "bouclage des deux lois « chasse » et « armes »" avant la fin de la session parlementaire.

"Protéger les espèces menacées est absolument indispensable, mais il ne s’agit jamais de protéger pour protéger", a indiqué de son côté Nicolas Sarkozy aux représentants de chasseurs. Les données du GEOC "ne peuvent être mobilisées en sens unique seulement pour restreindre les possibilités de chasse", a ajouté le chef de l’Etat.

Laurent Radisson © Tous droits réservés Actu-Environnement